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Photo du rédacteurFlavien Bernard

La parabole des talents expliquée

Dernière mise à jour : 10 avr. 2020


"Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses biens. 15 Il donna cinq talents à l’un, deux à l’autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité, et il partit. 16 Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. 17 De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres. 18 Celui qui n’en avait reçu qu’un alla faire un creux dans la terre, et cacha l’argent de son maître. 19 Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte. 20 Celui qui avait reçu les cinq talents s’approcha, en apportant cinq autres talents, et il dit: Seigneur, tu m’as remis cinq talents; voici, j’en ai gagné cinq autres. 21Son maître lui dit: C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître. 22 Celui qui avait reçu les deux talents s’approcha aussi, et il dit: Seigneur, tu m’as remis deux talents; voici, j’en ai gagné deux autres. 23 Son maître lui dit: C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître. 24 Celui qui n’avait reçu qu’un talent s’approcha ensuite, et il dit: Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n’as pas semé, et qui amasses où tu n’as pas vanné; 25 j’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre; voici, prends ce qui est à toi. 26 Son maître lui répondit: Serviteur méchant et paresseux, tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, et que j’amasse où je n’ai pas vanné; 27 il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j’aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt. 28 Otez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents. 29 Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. 30 Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents." Matthieu 25.14-30


A la lecture de cette parabole, nombre d’entre nous la trouve d’une grande injustice. Non content d’avoir un Dieu qui n’a pas équitablement distribué les cartes, il s’en vient à juger, morigéner et condamner les moins lotis au profit des plus riches. « On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a ». Odieux n’est-ce pas ? Lu de cette manière, j’en conviens. Cela tombe bien, ce n’est pas du tout ce qui est écrit. Chaque mot a son importance.


Tout d’abord qu’est ce qu’un talent ? Un talent est une monnaie, que l’on retrouve dans plusieurs passages des évangiles, équivalente à une vie de salaire ; ce ne sont donc pas cinq, deux ou un euro qui ont ici été distribués mais cinq, deux et une vie de labeur. D’autre part, le terme talent est aussi à lire dans son sens contemporains, les dons, les aptitudes.


Cela n’enlève rien à l’injustice quant à la répartition des richesses du maître à ses serviteurs me dirait on. Et pourtant : « Il donna cinq talents à l’un, deux à l’autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité… » A chacun selon sa capacité. Si certes nous pouvons convenir que cette parabole reconnait volontiers que nous ne sommes pas nés sur un pied d’égalité d’un point de vue social, sanitaire ou environnemental, nous avons en revanche tous reçu des talents, des prédispositions selon nos capacités, dans le contexte au sein duquel nous évoluons. Il appartient à chacun de s'en servir, d'utiliser ses talents, de les faire fructifier, de les partager. Et ce n'est certainement pas en les enfouissant, en les oubliant, en les refoulant que nous pourrons nous en sortir ; c'est bien ce qui est ici reproché à notre troisième luron. A se comparer avec les autres, il a préféré regarder leurs richesses et les jalouser plutôt que de se servir des siennes et de les mettre à profit. C’est ce que nous faisons trop souvent, il est tellement plus simple de rester assis à contempler les biens d’autrui, habité par la jalouse colère de ne pas posséder les mêmes capitaux. Que ce soit par la colère ou la tristesse, que l’on s’estime injustement moins fortunés que les autres par leur faute ou que l’on s’amenuise en se pensant faible, incapable d’être à leur hauteur, c’est du pareil au même, on se sent dénué de tout talent. C’est un état psychologique paradoxalement rassurant, il nous empêche d’accéder à cette part de divinité qui est en nous, ces trésors qui nous habitent et que nous avons tous reçu selon nos capacités. Cette zone de confort nous préserve de l’affranchissement de nos peurs tout en les alimentant insidieusement, nous empêche d’accéder à la connaissance de notre éthos, de s’aimer et d’utiliser nos trésors pour servir. Ils ne sont pas à nous ces talents, ils sont en nous, pour le bien de tous. Nous pouvons tous les mettre à profit pour servir nos semblables, faire sa part aussi minime soit elle, à l'instar du colibri de Pierre Rabhi tentant d’éteindre le feu de forêt, versant goutte par goutte l’eau de la rivière sur les flammes sous le regard désabusé des éléphants passifs et résignés.


Pour sortir de cette zone de confort, quoi de mieux que de commencer par s’affranchir du jugement ? Du jugement envers les autres bien-sur mais envers soit même surtout. Nous n’osons que rarement confier qui nous sommes de peur du jugement de l’autre, car bien souvent nous portons au regard de l’autre ce qui se trouve dans le notre, notre propre tribunal. C’est d’ailleurs ce qu’explique la dernière partie de cette magnifique parabole, nous serons jugés tel que nous avons jugé. Ce n'est pas pour rien que le maître reprend presque mot pour mot les invectives de son serviteur : « tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, et que j’amasse où je n’ai pas vanné... ». Cette dernière morale est très présente dans les évangiles : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez. Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil?… » Matthieu 7 ; « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés ; remettez, et il vous sera remis » Luc 6,37 ; et bien sur dans les différentes lettres des apôtres, je ne citerai que le passage de Paul au Romains 14,13 : « Cessons de nous juger les uns les autres : jugez plutôt qu’il ne faut rien mettre devant votre frère qui le fasse buter ou tomber ».


C’est en ôtant cette poutre de notre œil, le jugement de notre cœur, que l’on commence à comprendre qui nous sommes vraiment, quelles sont nos véritables peurs, nos profondes aspirations et les merveilleux trésors qui nous ont été confiés pour les vivre en partage.


Publié pour la première fois le 11/11/18 sur mon ancien blog

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